mercredi, février 04, 2009

Atelier Marouflash

J’ai appris la calligraphie chinoise à Taïwan dès l’âge de sept ans, comme tous les enfants, qui recevaient à l’époque une éducation traditionnelle, complète et rigoureuse en ce domaine. C’est dire qu’il s’agit pour moi non seulement d’un métier mais d’un aspect essentiel de ma vie.
En effet, la calligraphie n’est pas une écriture appliquée, enjolivée, mais une activité complète et vivante dont la préoccupation essentielle est de donner vie aux caractères. Ainsi, pour toute personne intéressée par l’art ou tout individu en recherche d’expression, et ceci dès le plus jeune âge, il y a de bonnes chances de trouver utilité, plaisir et même passion dans la pratique calligraphique. Celle-ci nous plonge en effet dans un monde de beauté, d’énergie, de mouvement et d’équilibre.
Venue en France pour apprendre la langue d’un pays qui m’attirait depuis longtemps, je n’ai jamais délaissé mon travail de calligraphe, ce dont témoignent à la fois les démonstrations, les stages et les interventions associatives et scolaires que j’ai organisés dans ce domaine ainsi que mes diverses expositions d’art plastique.
En ce qui concerne ces dernières, il s’agit bien sûr d’un travail de création à proprement parler. On peut y voir le passage progressif d’une activité calligraphique classique à une utilisation de plus en plus libre de l’écriture, et un geste psonnel est toujours présent dans la maîtrise de cet art. L’autonomie croissante des éléments calligraphiques mis en oeuvre m’a conduit à côtoyer de plus en plus les formes purement plastiques. On sent cependant toujours la présence de “la calligraphe”, en surface ou en arrière-plan, même dans les travaux les plus récents. Ainsi, très marquée par une formation “canonique”, je me suis orientée ensuite avec ouverture et rigueur vers une expérimentation contemporaine des formes de l’écriture et de la peinture, assimilant toujours davantage les composantes de l’art moderne. Je me suis par exemple intéressée à des artistes comme Klee, Matisse, Giacometti, De Kooning, Debré, Soulages, etc. Mon activité initiale de calligraphe et de graphiste m’a rendue aussi très sensible à l’oeuvre de Kurt Schwitters et à celles des artistes, peintres, typographes qui ont mis en relief la lettre, de quelque manière que ce soit.
Actuellement, je poursuis une mise en parallèle des formes plastiques d’Asie et d’Occident en liant des éléments graphiques et picturaux issus des deux cultures.
Dans cet esprit, j’ai senti la nécessité d’adapter l’enseignement au public européen. La particularité de mes stages est par exemple d’associer l’activité d’écriture à une préparation corporelle inspirée du Tai-chi chuan amenant directement aux gestes du calligraphe.
Et c’est certainement là qu’une convergence s’établit avec l’ éducation : ce n'est pas en effet un hasard si, pour une bonne part, mes recherches plastiques s'appuient sur l'un des systèmes d'apprentissage de la calligraphie chinoise; ensuite, dans l’espace de ces oeuvres, formes et significations, corps humain et corps de la lettre, "caractères", s’engendrent en des déploiements d’énergie tant du point de vue de la typographie que de la physiologie et de la conscience. Le projet trouve là sens et liberté dans ses exigences; apprendre à écrire, c'est apprendre à représenter, à penser, à agir et à vivre, dans le mouvement du monde.
Ainsi la tradition est-elle pour moi indissociable du geste contemporain. L'enjeu en est majeur ; en effet, la construction dans l'art rejoint ici les objectifs des autres domaines de la culture et de la société. C'est l'horizon de la communication entre les peuples, avec leurs langues et langages, leur réel et leur imaginaire, I'effort d'une compréhension de l'autre, au-delà des frontières, dans notre monde désormais ouvert à tout et à tous, quels qu'en soient les paradoxes et les difficultés.
L’attention que je porte à ce projet tient à son aspect ouvert et novateur ainsi qu’à sa correspondance avec ma propre situation : mes recherches et ma pratique d’artiste calligraphe plasticienne ont toujours été associées à des actions de formation, à mon initiative et, le plus souvent, à la sollicitation de différents organismes et institutions, associations - entre autres, centres sociaux, maisons des jeunes, de la culture, établissements scolaires - tant à l’école maternelle et primaire qu’au collège, lycée et à l'école d'art.
Mon expérience s’est donc constituée progressivement par le contact direct avec les enseignants, les enfants et les adolescents. Dans ce large éventail, l’expérience à l’école maternelle s’est révélée particulièrement significative pour moi, me faisant prendre conscience de l’importance fondamentale des débuts de la période d’apprentissage, compte-tenu de la “plasticité” et de la réceptivité du plus jeune âge. C’est là qu’à partir de l’écriture ont pu naître le mieux d’autres activités de création.
A ce stade, la perméabilité aux influences est déterminante pour le futur et on voit tout l’intéret de donner accès à des activités faisant appel aux arts plastiques, ouvrant sur une large palette de motifs culturels, issus tant des milieux d’origine que d’autres horizons. Ainsi, la calligraphie chinoise, écriture mais aussi art, recouvre un monde tout à fait inédit pour les enfants, ce qui en fait un domaine intéressant à envisager pour former l’imaginaire et mettre sur la voie de pratiques précises.
Ceci me permet de souhaiter trouver place dans un tel projet d’éducation artistique, afin de faire bénéficier de mes propres compétences l’équipe éducative et les enfants, leur apportant ma disponibilité en temps, idées, projets, réalisations, relativement à leurs propres orientations, souhaits et actions.

1 commentaire:

Jigé a dit…
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